Je me suis rendu compte en expliquant de vive voix à mon entourage ce que que je fais tous les jours depuis le début de l'année, que ma formation est méconnue. Je vais donc tenter une explication.
Qu'est-ce qu'un IEJ ?
J'étudie
cette année dans un IEJ (Institut d’Études Judiciaires). C'est
une composante des facultés de Droit mais ce n'est pas dans le
système LMD (Licence – Master – Doctorat), c'est à côté. En
effet, l'IEJ ne délivre pas de diplômes. Cet institut permet de
préparer les épreuves de l'examen d'entrée dans un CRFPA (Centre
Régional de Formation Professionnelle des Avocats) et du concours
d'entrée à l'ENM (l’École Nationale de la Magistrature).
Certains étudiants préparant certains autres concours s'inscrivent
aussi à l'IEJ (tels que ceux pour être greffier, conseiller
d'insertion et de probation, commissaire...) ;
car certaines épreuves sont
similaires, tout du moins concernant les matières à réviser.
Tandis
que pour l'ENM le concours est organisé par l'école elle-même,
l'examen d'entrée à l'école des avocats (le CRFPA donc) est
organisé par l'IEJ.
En
bref, les facultés de Droit via leur IEJ forment leurs étudiants
désireux d'être avocats et sanctionnent leurs connaissances par un
examen final pour les envoyer dans une école régionale.
Comment intégrer un IEJ ?
Pour
intégrer un IEJ il faut avoir validé ou préparer un bac+4 en droit
(pour le schéma classique). Il est en effet possible de préparer
l'examen alors que l'on n'a pas encore obtenu son M1 (première année
de Master) car l'examen est organisé de septembre à novembre (voire
décembre) et le M1 sera donc obtenu en juin ou juillet (pour ceux
qui auraient encore des rattrapages en septembre, j'imagine que cela
n'est pas possible donc raison de plus d'obtenir son M1 du premier
coup).
La
grande majorité des inscrits à l'IEJ ont déjà obtenu ou préparent
un M2 (bac+5) ; rares sont les « kamikazes »
qui préparent l'examen durant leur M1. Ah si... moi ! Mais je
ne l'ai finalement pas passé à l'issu de mon M1 – l'an dernier –
et je me consacre à plein temps à l'IEJ cette année.
Que fait-on à l'IEJ ?
Les
organisations des IEJ sont très très très... variables. Pour avoir
fait deux IEJ (de province) et avoir discuté avec des étudiants
d'autres IEJ, c'est peu de le dire.
Prenons
les frais d'inscription (c'est la première étape après tout). Il y
a, tout naturellement, les frais dus à l'université (ou pas si l'on
est boursier) mais il peut y avoir des frais supplémentaires. Durant
mon M1, l'inscription à mon premier IEJ était optionnelle et
faisait donc partie de mon diplôme donc je n'ai rien eu a payer.
Mais les autres étudiants devaient verser à l'Université 100 €
au titre de l'inscription à l'examen. Cette année les frais de mon
second IEJ sont de 200 € (cet IEJ organise plus de cours et
d'examens que le précédent). Je suis certain qu'en surfant sur le
net cela peut monter beaucoup plus haut.
Je
viens justement d'évoquer les cours et les entraînements aux
épreuves. La vocation des IEJ est d'organiser l'examen, donc libre à
eux de préparer comme ils l'entendent leurs étudiants.
Mon
premier IEJ organisait des entraînements (examens blancs), des
corrections (des-dits examens) et des conférences, mais pas de cours
(et pour ceux qui avaient choisis des matières assez spécialisées
il fallait faire une demande spécifique auprès du corps professoral
pour avoir des entraînements). Il y avait aussi des entraînements
individuels au grand oral pour ceux qui auraient réussis les écrits
et seraient donc admissibles à passer les oraux.
Mon
second IEJ organise des entraînements, des corrections, des
conférences (moins mais ce n'est pas plus mal, c'est rarement
passionnant de toute façon), mais aussi des cours et des
entraînements au grand oral tout au long de l'année avec des
corrections de ceux-ci.
On
m'a rapporté qu'un IEJ (je ne cite personne vous remarquez !)
organise des cours mais pas d'entraînements... Alors là je suis
perplexe !
IEJ et/ou « prépa » privée ?
On
remarque donc les limites des IEJ. Qui sont plus ou moins les mêmes
que les limites de l'université que j'ai exposé dans mon précédant billet sur HEAD. L'IEJ est une préparation publique
au CRFPA et à l'ENM et souffre donc d'un manque de moyens. Les IEJ
n'ont pas les mêmes financements que les « prépas »
privées. Le coût n'est d'ailleurs pas le même.
Pour
mémoire, l'inscription dans un IEJ est obligatoire pour passer
l'examen d'entrée dans un CRFPA car ce sont les IEJ qui ont le
monopole pour l'organiser.
Depuis
quelques années (dans mon université en tout cas), l'inscription à
l'IEJ donne droit aux bourses du CROUS mais cela n'exonère que des
frais d'inscription à l'université et non pas de ceux dus à l'IEJ.
Par ailleurs, l'IEJ est considéré comme faisant partie du niveau
Master et ce niveau n'ouvre droit qu'à trois années maximum de
bourses. Par exemple, si on a fait un M1 puis un M2, on a droit aux
bourses à l'IEJ pour une dernière année ;
mais si l'on a redoublé ou fait une année à l'étranger en plus
dans le cadre d'un échange, les trois droits de bourses auront été
utilisés.
Les
« prépas »
privées sont bien entendu payantes et proposent de nombreuses
possibilités : révision sur place ou à distance, toute
l'année ou par sessions... Avec des tarifs élevés ! Selon le
type de préparation choisi les tarifs vont de 852 € (supports de
cours et actualité juridique uniquement) à
2
570 € (cours, examens blancs à toutes les épreuves écrites
et orales, supports de cours et d'actualité juridique).
Les
professeurs des IEJ (en tout cas de province) ont en horreur les
« prépas » privées
et ne veulent « même pas en entendre parler ». C'est en
tout cas ce que je croyais jusqu'à ce que je
découvre que mon Directeur d'IEJ (qui a tenu ces propos) donnent des
cours dans une « prépa » à 1 600 €. Quoiqu'il
en soit, je comprend ce rejet : ils préparent tant bien que mal
leurs élèves en leur inculquant des réflexes d'avocats en raison
du travail continu et autonome quant aux révisions des cours mais
aussi à la lecture des revues d'actualité juridique. Le travail
n'est pas mâché et doit être rigoureux. Il ne s'agit pas de bûcher
sur une courte période et de recracher des supports de cours tout
fait. Je comprends aussi que certains préfèrent « faire une
prépa ». Tout le monde n'est pas capable d'autant de rigueur
et de discipline. Nous sommes réellement « lâchés dans la
nature » ! Les « prépas »
par ailleurs permettent des entraînements plus intensifs. Pour ce
qui est du suivi du corps professoral j'imagine qu'il n'y a de
différences, seulement ou
sauf si l'on vient d'un grand IEJ, pour ma part les
professeurs ont toujours été présents et à l'écoute.
La rentrée à l'IEJ
L'année
débute par l'inscription administrative, somme toute comme une
lettre à la poste (voire plus rapide !). Ensuite le jour de la
rentrée, dans mon second IEJ, était à la Cour d'appel avec le
président de la chambre commerciale, une juge pour enfants, une
substitut du Procureur, le Bâtonnier et le Dauphin (c'est le futur
Bâtonnier) ainsi qu'un jeune avocat. Et bien entendu le Directeur de
notre IEJ. J'avoue que cette rentrée en grande pompe était assez
appréciable et m'a donné envie de travailler pour enfin accéder à
la magnifique profession d'avocat. On se sent valorisé, on sent la
fin de la fac et, pire, on hâte que cela se termine pour commencer
une nouvelle aventure !
Les
semaines qui ont suivies m'ont refroidies. Car si on considère que
l'on est « lâché dans la nature » à la fac... C'est
bien pire à l'IEJ. Le planning de l'IEJ est très « light ».
Mon premier IEJ organisait des devoirs tous les samedi et des
corrections le soir en semaine. Cette année, j'ai en moyenne une
présence de 8 à 10 heures à l'IEJ en comptant les cours et les
devoirs qui m'intéressent. Alors oui, on nous pousse à suivre tous
les cours et passer tous les examens (y compris des matières que
nous n'avons pas choisi de passer à l'examen final) mais le travail
personnel est considérable. Bien plus important que durant « les
années facs » proprement dites.
En
bref, l'IEJ est une « prépa » publique et allégée (en
nombre d'heures mais aussi en prix !).
Personnellement,
j'ai élu domicile à la Bibliothèque Universitaire. Ce qui a pour
avantage de m'éviter de tourner en rond dans mon studio et de me
permettre de consulter les manuels, les codes et les revues
d'actualité juridique gratuitement.
Je ne
pensais pas un jour que je lirais des manuels juridiques EN ENTIER...
jusqu'à cette année ! Je croyais naïvement que cette activité
était réservée aux thésards.
La
lecture quotidienne au mieux, hebdomadaire au pire, de l'actualité
juridique est le grand changement (c'est maintenant ! Ok, je
sors !). Initié au niveau Master, ce n'est réellement qu'à l'IEJ,
dans la perspective d'un examen ou d'un concours, que l'étudiant en
droit se plonge dans l'actualité du droit et de la justice. Certes,
on lit depuis la première année des commentaires de jurisprudence
(les décisions judiciaires) dans de volumineuses et poussiéreuses
compilations des revues d'actualité juridique, mais lire le tout
dernier numéro sur le présentoir de la BU (ou l'article en ligne
pour ceux qui préfèrent), ça c'est nouveau. Et on se sent grand,
presque professionnel lorsqu'au détour d'une conversation avec nos
camarades on sort la toute dernière actualité qui change tout
(croit-on).
Une course d'endurance
Le
challenge principal est de rester toujours motivé, de travailler dès
le début mais de prendre en compte que l'on commence un combat sur
la durée. Il ne faut pas arriver, un an après la rentrée, à
l'examen, épuisé car les épreuves s'étalent sur deux mois.
Il
faut donc établir un joli planning de révision qu'on croit pouvoir
tenir bien que ce ne soit qu'une lubie, rien d'autre qu'une illusion
! Comment suivre à la lettre un programme établi sur an ? Un
programme établi par nous, étudiants, qui travaillons à court
terme : nos examens étant tous les deux-trois mois !
Je
n'ai toujours pas compris pourquoi je prends trois semaines pour
réviser une matière, là où j'en mettais trois jours avant pour
mes examens partiels. Ah si, avant, je n'avais pas le choix !
Dorénavant je me dis que je dois tout, mais alors tout connaître.
Ce qui n'est pas vrai mais je n'arrive pas à faire autrement. Lâché
dans la nature, l'étudiant a peur de ne pas faire assez bien et en
fait trop (sans que cela soit réellement utile). Il n'a jamais été
nécessaire d'être un puit de connaissances pour devenir avocat, je
pense qu'il faut de solides bases et surtout, une bonne méthode et
un excellent raisonnement juridique. Il y a encore du boulot !
Les
maître-mots sont rigueur et autodiscipline que ce soit dans les
révisions ou dans les entraînements aux épreuves. Car l'IEJ fourni
l'amphi, une plage horaire et les sujets mais les entraînements sont
en « autosurveillance ». Il faut donc se mettre dans les
conditions de l'examen final. Une bonne partie des étudiants, dont
je ne fais plus partie, ont manifestement du mal avec cette notion
d'autodiscipline et font leurs devoirs à plusieurs (ça chuchote
beaucoup dans l'amphi), à la BU ou chez eux avec parfois leurs notes
ou des manuels. Certains poussent le vice jusqu'à aller chercher la
note de jurisprudence (c'est à dire le commentaire réalisé par un
professeur et publié dans une revue juridique) de l'arrêt qu'il
faut commenter (si l'épreuve est un commentaire d'arrêt, cela va
sans dire). Cela réduit à néant l'intérêt de l'entraînement car
il ne s'agit pas d'un contrôle continu. Je ne leur jette pas la
pierre car l'an dernier j'avais beaucoup de mal à tenir les délais
et j'ai très souvent largement dépassé le temps ou fini les
devoirs chez moi (notamment pour l'épreuve de la note de synthèse).
Le résultat vous le connaissez, je ne me suis pas senti prêt pour
passer l'examen à l'issu de mon Master 1. Je conseille vivement aux
(futurs) candidats à l'examen d'entrée au CRFPA de se mettre dans
les conditions de l'examen final, vraiment !
Le doute
Si au
début du premier semestre, le cœur du challenge et de ne pas
écouter la petite voix qui chuchote qu'il reste un an avant l'examen
et pousse à ne pas travailler comme un forcené ; à la fin de
celui-ci il faut, lutter contre la fatigue (due à la longueur de la
préparation), la démotivation et le doute qui s'installe. Ce doute
terrible à mi-chemin de l'examen où l'heure du premier bilan sonne
et que l'on constate inévitablement que l'on aurait du travailler
mieux et plus (pour réussir plus ? Oh là là il va falloir se
désintoxiquer de la politique après cette élection présidentielle
!). Quoi qu'il en soit on se dit toujours cela, que l'on ait très
peu ou énormément travaillé, ce n'est jamais suffisant à nos
yeux. Ce doute est fatal. J'en sors depuis peu et je l'ai battu en
faisant un break en avril pour repartir de plus belle ! Mais le
mois de mars fut difficile. Le doute s'installe bien entendu au
moment où l'on constate l'ampleur de la tâche accomplie (que l'on
apprécie à la lumière de l'avancement dans le programme de
révision établie à la rentrée !). Et l'on se rend compte de
la tâche qu'il reste à accomplir.
Et
c'est là où j'en suis !
To be
continued... (ici)
PS :
En commençant ce billet je me suis dit qu'il serait court.
Finalement, je me suis (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie) laissé emporter !
PPS : L'illustration "avant maintenant" vient de l'excellent site vestimentaire Geek du Droit.
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