samedi 26 mai 2012

Mais en fait, que fait-on dans un IEJ ?



Je me suis rendu compte en expliquant de vive voix à mon entourage ce que que je fais tous les jours depuis le début de l'année, que ma formation est méconnue. Je vais donc tenter une explication.

Qu'est-ce qu'un IEJ ?


J'étudie cette année dans un IEJ (Institut d’Études Judiciaires). C'est une composante des facultés de Droit mais ce n'est pas dans le système LMD (Licence – Master – Doctorat), c'est à côté. En effet, l'IEJ ne délivre pas de diplômes. Cet institut permet de préparer les épreuves de l'examen d'entrée dans un CRFPA (Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats) et du concours d'entrée à l'ENM (l’École Nationale de la Magistrature). Certains étudiants préparant certains autres concours s'inscrivent aussi à l'IEJ (tels que ceux pour être greffier, conseiller d'insertion et de probation, commissaire...) ; car certaines épreuves sont similaires, tout du moins concernant les matières à réviser.

Tandis que pour l'ENM le concours est organisé par l'école elle-même, l'examen d'entrée à l'école des avocats (le CRFPA donc) est organisé par l'IEJ.

En bref, les facultés de Droit via leur IEJ forment leurs étudiants désireux d'être avocats et sanctionnent leurs connaissances par un examen final pour les envoyer dans une école régionale.

Comment intégrer un IEJ ?


Pour intégrer un IEJ il faut avoir validé ou préparer un bac+4 en droit (pour le schéma classique). Il est en effet possible de préparer l'examen alors que l'on n'a pas encore obtenu son M1 (première année de Master) car l'examen est organisé de septembre à novembre (voire décembre) et le M1 sera donc obtenu en juin ou juillet (pour ceux qui auraient encore des rattrapages en septembre, j'imagine que cela n'est pas possible donc raison de plus d'obtenir son M1 du premier coup).

La grande majorité des inscrits à l'IEJ ont déjà obtenu ou préparent un M2 (bac+5) ; rares sont les « kamikazes » qui préparent l'examen durant leur M1. Ah si... moi ! Mais je ne l'ai finalement pas passé à l'issu de mon M1 – l'an dernier – et je me consacre à plein temps à l'IEJ cette année.

Que fait-on à l'IEJ ?


Les organisations des IEJ sont très très très... variables. Pour avoir fait deux IEJ (de province) et avoir discuté avec des étudiants d'autres IEJ, c'est peu de le dire.

Prenons les frais d'inscription (c'est la première étape après tout). Il y a, tout naturellement, les frais dus à l'université (ou pas si l'on est boursier) mais il peut y avoir des frais supplémentaires. Durant mon M1, l'inscription à mon premier IEJ était optionnelle et faisait donc partie de mon diplôme donc je n'ai rien eu a payer. Mais les autres étudiants devaient verser à l'Université 100 € au titre de l'inscription à l'examen. Cette année les frais de mon second IEJ sont de 200 € (cet IEJ organise plus de cours et d'examens que le précédent). Je suis certain qu'en surfant sur le net cela peut monter beaucoup plus haut.

Je viens justement d'évoquer les cours et les entraînements aux épreuves. La vocation des IEJ est d'organiser l'examen, donc libre à eux de préparer comme ils l'entendent leurs étudiants.

Mon premier IEJ organisait des entraînements (examens blancs), des corrections (des-dits examens) et des conférences, mais pas de cours (et pour ceux qui avaient choisis des matières assez spécialisées il fallait faire une demande spécifique auprès du corps professoral pour avoir des entraînements). Il y avait aussi des entraînements individuels au grand oral pour ceux qui auraient réussis les écrits et seraient donc admissibles à passer les oraux.

Mon second IEJ organise des entraînements, des corrections, des conférences (moins mais ce n'est pas plus mal, c'est rarement passionnant de toute façon), mais aussi des cours et des entraînements au grand oral tout au long de l'année avec des corrections de ceux-ci.

On m'a rapporté qu'un IEJ (je ne cite personne vous remarquez !) organise des cours mais pas d'entraînements... Alors là je suis perplexe !

IEJ et/ou « prépa » privée ?


On remarque donc les limites des IEJ. Qui sont plus ou moins les mêmes que les limites de l'université que j'ai exposé dans mon précédant billet sur HEAD. L'IEJ est une préparation publique au CRFPA et à l'ENM et souffre donc d'un manque de moyens. Les IEJ n'ont pas les mêmes financements que les « prépas » privées. Le coût n'est d'ailleurs pas le même.

Pour mémoire, l'inscription dans un IEJ est obligatoire pour passer l'examen d'entrée dans un CRFPA car ce sont les IEJ qui ont le monopole pour l'organiser.

Depuis quelques années (dans mon université en tout cas), l'inscription à l'IEJ donne droit aux bourses du CROUS mais cela n'exonère que des frais d'inscription à l'université et non pas de ceux dus à l'IEJ. Par ailleurs, l'IEJ est considéré comme faisant partie du niveau Master et ce niveau n'ouvre droit qu'à trois années maximum de bourses. Par exemple, si on a fait un M1 puis un M2, on a droit aux bourses à l'IEJ pour une dernière année ; mais si l'on a redoublé ou fait une année à l'étranger en plus dans le cadre d'un échange, les trois droits de bourses auront été utilisés.

Les « prépas » privées sont bien entendu payantes et proposent de nombreuses possibilités : révision sur place ou à distance, toute l'année ou par sessions... Avec des tarifs élevés ! Selon le type de préparation choisi les tarifs vont de 852 € (supports de cours et actualité juridique uniquement) à
2 570 € (cours, examens blancs à toutes les épreuves écrites et orales, supports de cours et d'actualité juridique).

Les professeurs des IEJ (en tout cas de province) ont en horreur les « prépas » privées et ne veulent « même pas en entendre parler ». C'est en tout cas ce que je croyais jusqu'à ce que je découvre que mon Directeur d'IEJ (qui a tenu ces propos) donnent des cours dans une « prépa » à 1 600 €. Quoiqu'il en soit, je comprend ce rejet : ils préparent tant bien que mal leurs élèves en leur inculquant des réflexes d'avocats en raison du travail continu et autonome quant aux révisions des cours mais aussi à la lecture des revues d'actualité juridique. Le travail n'est pas mâché et doit être rigoureux. Il ne s'agit pas de bûcher sur une courte période et de recracher des supports de cours tout fait. Je comprends aussi que certains préfèrent « faire une prépa ». Tout le monde n'est pas capable d'autant de rigueur et de discipline. Nous sommes réellement « lâchés dans la nature » ! Les « prépas » par ailleurs permettent des entraînements plus intensifs. Pour ce qui est du suivi du corps professoral j'imagine qu'il n'y a de différences, seulement ou sauf si l'on vient d'un grand IEJ, pour ma part les professeurs ont toujours été présents et à l'écoute.

La rentrée à l'IEJ


L'année débute par l'inscription administrative, somme toute comme une lettre à la poste (voire plus rapide !). Ensuite le jour de la rentrée, dans mon second IEJ, était à la Cour d'appel avec le président de la chambre commerciale, une juge pour enfants, une substitut du Procureur, le Bâtonnier et le Dauphin (c'est le futur Bâtonnier) ainsi qu'un jeune avocat. Et bien entendu le Directeur de notre IEJ. J'avoue que cette rentrée en grande pompe était assez appréciable et m'a donné envie de travailler pour enfin accéder à la magnifique profession d'avocat. On se sent valorisé, on sent la fin de la fac et, pire, on hâte que cela se termine pour commencer une nouvelle aventure !

Les semaines qui ont suivies m'ont refroidies. Car si on considère que l'on est « lâché dans la nature » à la fac... C'est bien pire à l'IEJ. Le planning de l'IEJ est très « light ». Mon premier IEJ organisait des devoirs tous les samedi et des corrections le soir en semaine. Cette année, j'ai en moyenne une présence de 8 à 10 heures à l'IEJ en comptant les cours et les devoirs qui m'intéressent. Alors oui, on nous pousse à suivre tous les cours et passer tous les examens (y compris des matières que nous n'avons pas choisi de passer à l'examen final) mais le travail personnel est considérable. Bien plus important que durant « les années facs » proprement dites.

En bref, l'IEJ est une « prépa » publique et allégée (en nombre d'heures mais aussi en prix !).

Personnellement, j'ai élu domicile à la Bibliothèque Universitaire. Ce qui a pour avantage de m'éviter de tourner en rond dans mon studio et de me permettre de consulter les manuels, les codes et les revues d'actualité juridique gratuitement.

Je ne pensais pas un jour que je lirais des manuels juridiques EN ENTIER... jusqu'à cette année ! Je croyais naïvement que cette activité était réservée aux thésards.

La lecture quotidienne au mieux, hebdomadaire au pire, de l'actualité juridique est le grand changement (c'est maintenant ! Ok, je sors !). Initié au niveau Master, ce n'est réellement qu'à l'IEJ, dans la perspective d'un examen ou d'un concours, que l'étudiant en droit se plonge dans l'actualité du droit et de la justice. Certes, on lit depuis la première année des commentaires de jurisprudence (les décisions judiciaires) dans de volumineuses et poussiéreuses compilations des revues d'actualité juridique, mais lire le tout dernier numéro sur le présentoir de la BU (ou l'article en ligne pour ceux qui préfèrent), ça c'est nouveau. Et on se sent grand, presque professionnel lorsqu'au détour d'une conversation avec nos camarades on sort la toute dernière actualité qui change tout (croit-on).

Une course d'endurance


Le challenge principal est de rester toujours motivé, de travailler dès le début mais de prendre en compte que l'on commence un combat sur la durée. Il ne faut pas arriver, un an après la rentrée, à l'examen, épuisé car les épreuves s'étalent sur deux mois.

Il faut donc établir un joli planning de révision qu'on croit pouvoir tenir bien que ce ne soit qu'une lubie, rien d'autre qu'une illusion ! Comment suivre à la lettre un programme établi sur an ? Un programme établi par nous, étudiants, qui travaillons à court terme : nos examens étant tous les deux-trois mois !

Je n'ai toujours pas compris pourquoi je prends trois semaines pour réviser une matière, là où j'en mettais trois jours avant pour mes examens partiels. Ah si, avant, je n'avais pas le choix ! Dorénavant je me dis que je dois tout, mais alors tout connaître. Ce qui n'est pas vrai mais je n'arrive pas à faire autrement. Lâché dans la nature, l'étudiant a peur de ne pas faire assez bien et en fait trop (sans que cela soit réellement utile). Il n'a jamais été nécessaire d'être un puit de connaissances pour devenir avocat, je pense qu'il faut de solides bases et surtout, une bonne méthode et un excellent raisonnement juridique. Il y a encore du boulot !

Les maître-mots sont rigueur et autodiscipline que ce soit dans les révisions ou dans les entraînements aux épreuves. Car l'IEJ fourni l'amphi, une plage horaire et les sujets mais les entraînements sont en « autosurveillance ». Il faut donc se mettre dans les conditions de l'examen final. Une bonne partie des étudiants, dont je ne fais plus partie, ont manifestement du mal avec cette notion d'autodiscipline et font leurs devoirs à plusieurs (ça chuchote beaucoup dans l'amphi), à la BU ou chez eux avec parfois leurs notes ou des manuels. Certains poussent le vice jusqu'à aller chercher la note de jurisprudence (c'est à dire le commentaire réalisé par un professeur et publié dans une revue juridique) de l'arrêt qu'il faut commenter (si l'épreuve est un commentaire d'arrêt, cela va sans dire). Cela réduit à néant l'intérêt de l'entraînement car il ne s'agit pas d'un contrôle continu. Je ne leur jette pas la pierre car l'an dernier j'avais beaucoup de mal à tenir les délais et j'ai très souvent largement dépassé le temps ou fini les devoirs chez moi (notamment pour l'épreuve de la note de synthèse). Le résultat vous le connaissez, je ne me suis pas senti prêt pour passer l'examen à l'issu de mon Master 1. Je conseille vivement aux (futurs) candidats à l'examen d'entrée au CRFPA de se mettre dans les conditions de l'examen final, vraiment !

Le doute


Si au début du premier semestre, le cœur du challenge et de ne pas écouter la petite voix qui chuchote qu'il reste un an avant l'examen et pousse à ne pas travailler comme un forcené ; à la fin de celui-ci il faut, lutter contre la fatigue (due à la longueur de la préparation), la démotivation et le doute qui s'installe. Ce doute terrible à mi-chemin de l'examen où l'heure du premier bilan sonne et que l'on constate inévitablement que l'on aurait du travailler mieux et plus (pour réussir plus ? Oh là là il va falloir se désintoxiquer de la politique après cette élection présidentielle !). Quoi qu'il en soit on se dit toujours cela, que l'on ait très peu ou énormément travaillé, ce n'est jamais suffisant à nos yeux. Ce doute est fatal. J'en sors depuis peu et je l'ai battu en faisant un break en avril pour repartir de plus belle ! Mais le mois de mars fut difficile. Le doute s'installe bien entendu au moment où l'on constate l'ampleur de la tâche accomplie (que l'on apprécie à la lumière de l'avancement dans le programme de révision établie à la rentrée !). Et l'on se rend compte de la tâche qu'il reste à accomplir.

Et c'est là où j'en suis !

To be continued... (ici)

PS : En commençant ce billet je me suis dit qu'il serait court. Finalement, je me suis (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie) laissé emporter !
PPS : L'illustration "avant maintenant" vient de l'excellent site vestimentaire Geek du Droit.